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Mon Blog Couleur Pourpre

19 octobre 2014

Chapitre I : Le mystérieux colis

I’m Annabelle Schroe, I’m fifteen, I live in Calgary and I speak English and French. I love animals and nature, I …

Rien à faire, mon regard ne pouvait décoller de la fenêtre de la classe, j’apercevais ma mère qui attendait déjà devant la grille de l’école avec la Ford. Même si on ne pouvait pas voir à travers les vitres teintées, je pouvais deviner que le coffre et la banquette arrière étaient saturés de caisses … Miss Kniper me reprit:

- Anna, what’s happening ?

- I … nothing, Miss  « K », I finished.

Je quittai ainsi la LakeBury School, sans laisser place aux adieux dramatiques et aux larmes sur les joues. Ma mère retira son sac du siège passager afin que je puisse m’asseoir, alluma le contact et, le frein à main tiré, se mit en route :

- Combien à ta présentation orale ? Dit-elle en vérifiant sa coiffure dans le rétroviseur.

Je n’ai pas répondu, je lui en voulais encore du fait qu’elle ne m’ait pas demandé mon avis avant de déménager.
A travers la vitre, je voyais Calgary pour la dernière fois avant quelques années …
Sur la route vers la zone qui m’était encore inconnue du Canada, le paysage changeait. Les arbres s’asséchaient et tournoyaient au-dessus quelques corneilles à l’œil menaçant. Le ciel grondait et finit par frapper la terre à plein fouet d’une série d’éclairs ravageurs.
« Russel Ford ».
Mon père et David étaient déjà arrivés. Ils nous attendaient, là, devant la porte de la maison terne, la pluie sur les épaules.
J’en voulais aussi à mon père qu’il n’ait pas pris les choses en main, alors que le déménagement lui déplaisait autant …

Ma mère sortit de la voiture en déployant son parapluie afin de ne pas abîmer son chignon bas impeccable. Elle fit de ridicules petits pas jusqu’au seuil, non dérangée par ses talons aiguilles mais incapable d’ouvrir ses jambes un peu plus tant sa jupe moulante les avait transformées en queue de poisson.

- Et tes clés ? Questionna-t-elle à mon père sans un regard.

- Tu as le seul exemplaire, ma chérie. 

C’était une grande villa, mais bien des travaux y étaient à faire. Néanmoins, ma mère disposait d’assez bien d’espace pour ses projets de foyer parfait. Manque de chance, elle ne comprenait rien au sens du mot « foyer ». Tout le rez-de-chaussée avait déjà été peint de gris et de blanc par les ouvriers. Le premier étage, lui, ne valait pas la peine d’être vu. 

Quand j’ouvris la porte de ce qui me servirait de chambre, je vis que la pièce laissait à désirer, les murs étaient fissurés et recouverts d’un vieux papier peint rongé par l’humidité. Si j’attendais l’aide de mes parents, il me faudrait plusieurs mois avant de dormir dans une pièce vivable. M’y attaquant de mes propres mains, je mis cinq ou six heures, le temps d’arracher le papier peint et de repeindre les cloisons avec le reste du matériel qui restait de l’étage du dessous. Je disposai les quelques meubles sans trop réfléchir et finis par m’affaler sur mon lit. La pièce était en effet assainie, mais loin d’être chaleureuse. Un cube d'un blanc triste, voilà tout ce qui m'entourait. Je sombrai dans un sommeil morne, sans rêves.

En pleine nuit, je me réveillai en sursaut, pour une raison inconnue. Peut-être ne me sentais-je pas chez moi, loin de mes habitudes, de la ville, des gens auxquels je m’étais attachée à Calgary. Mon regard resta vide un moment, le dos courbé, les mains retournées sur la couverture, leur paumes vers le plafond.
Soudain, un cri indistinct me sortit de mes songes, très vite, j’allai à la fenêtre. Ce devait être l’oiseau, lui que je maudissais, qui avait coassé. Il s’éloignait vers une forêt, me paraissait-il, ce dont je n’étais pas certaine car la nuit noire et son brouillard la camouflait. J’allai me recoucher sans plus réfléchir et je ne m’éveillai qu’à l’aube.

Je descendis à la cuisine, préparai mon petit déjeuner que je mangeai sans appétit en regardant la petite télévision. Le poste radiophonique de Russelford avait sa propre émission pour laquelle le plateau était filmé. Elle ne servait à rien d’autre que d’annoncer de mauvaises nouvelles, funestes ou catastrophiques, les orages et les pluies. C’était sans doute grâce aux beaux yeux du présentateur qu’elle avait développé une audience.
Ma mère qui terminait de s’apprêter me rejoint et jeta devant moi un dépliant. Je déposai dans mon assiette la bouchée que je comptais avaler avant d’y poser les yeux.

- C’est l’école dans laquelle tu rentres en septembre, me dit-elle en mettant son écharpe.

Je continuai à manger.

- Tâche de te fondre dans la masse, continua-t-elle avant de s’en aller.

Je poussai mon assiette, regardai le flyer encore, « Journée portes-ouvertes au Collège St-Émois ». La photo présentait des élèves en uniforme gris, avec une cravate bordeaux sur une chemise blanche. Les garçons en pantalons et les filles en jupes plissées. Tous très souriants, au regard bienveillant et serein.

- Une usine à hypocrites, dis-je en l’air.

La maison paraissait vide, comme elle le serait chaque jour de l’été. David entra en chantonnant dans la cuisine, ne me regarda même pas, prit une bouteille de yogourt et partit, son casque sur les oreilles. Il retourna sûrement dans son garage, qui lui servait presque à présent de seconde résidence.

Mes restes de pancakes se retrouvèrent sur l’appui de fenêtre extérieur afin de régaler les oiseaux. Par de si sombres journées, notre bibliothèque était des plus agréables. Une contrée de mots à qui une pièce entière était réservée. Je piochai un de mes classiques favoris sur une des planches du dessous, White Fang. Le fauteuil qui reposait au centre de la pièce m’accueillit de son vieux velours.
Au début d’une nouvelle page, le timbre de porte sonna. Par le micro viseur, je vis qu’attendait un employé de la poste, un très gros colis dans les bras.

- Vos parents sont-ils là ? Questionna-t-il.

- Non, mais mon frère est majeur et présent.

- Eh bien, il me faut une signature.

J’allai trouver David qui signa la fiche sans dire un mot et repartit dans un même silence. L’homme, assez gêné de l’impolitesse dont mon frère avait fait preuve, me donna le paquet, qui me fit plier les genoux.
J’allai le déposer sur la table basse du salon. J’hésitais à l’ouvrir. On aurait dit qu’il m’attendait. Je ne résistai plus longtemps et je dénouai les liens qui le tenaient fermé.
Un tas d’enveloppes camouflait son contenu, j’en ouvris une, et en lus la lettre :

Bonjour Papa,
Je me porte très bien, je m’amuse beaucoup à Windsor, les moniteurs sont fort sympathiques et j’ai retrouvé mon amie Camille. Mais je suis aussi fort impatiente de vous revoir Maman et toi, j’espère qu’elle se porte bien et qu’elle n’est pas trop fatiguée. Tu lui diras que tout se passe bien pour moi, qu’elle n’a pas à se faire de soucis.
Je vous embrasse très fort et je pense à vous.
Sarah.

Tenant le papier jauni entre les doigts, je laissai les images déferler pour déposer un visage sur les mots. J’ouvris une autre enveloppe :

Chère Sarah,
Depuis que nous nous sommes revues au camp de vacances, je pense beaucoup à toi.
J’ai appris l’état de ta mère, sache que tu as tout mon soutien. Mais mes parents la connaissent assez que pour savoir qu’elle va se battre, malgré sa fatigue. C’est une femme courageuse que nous avons toujours admiré. Nous avons espoir, on sait qu’elle ne se laissera pas partir.
Courage, je t’embrasse.
Camille.

De nature curieuse, je découvrais ces mots telles les perles d’un coffre au trésor. Je laissais mon imagination vaguer au fil des phrases, m’inquiétant du sort de la mère de la mystérieuse Sarah. Qu’en était-il aujourd’hui ? Cette lettre datait de deux ans …

Sous les papiers était maladroitement emballé un arc à flèche. Un bel objet, à la fois délicat et audacieux. Peut-être cela caractérisait-il l’inconnue dont il était question.
Le crissement de pneus de la voiture me fit lever la tête. Je refermai le colis à la hâte quand ma mère entra dans la pièce et déposa de la paperasse sur la table à manger. Mon père fit de même avec les courses. Elle retrouva le dépliant qu’elle m’avait donné au matin, elle le prit en main et se tourna vers moi :

- Alors ? Tu as pu y jeter un œil ?

- Oui.

- Et ?

- Rien.

- Quand tu te rendras compte de la chance que tu as, de ce que nous t’offrons, comme cette nouvelle villa, tu nous remercieras. Tu ne répondras plus par un « rien » impertinent et tu seras tendre.

Je gardai le silence. Il valait mieux être froide que méchante. Ma mère, elle, avait exécrablement assemblé les deux. Dans ma chambre dont la porte avait brutalement claqué, je me couchai sur le dos, les mains croisées sur le ventre. Les yeux au plafond, j’observais le néant. Vide. Un vide comme celui que prévoyait mon destin. Un vide sentimental, émotionnel et non matériel.
Dans ma famille, les études, l’avenir et les finances étaient les points les plus importants. Ma vie était déjà toute tracée, je ferais des études de droit, ou peut-être scientifiques … une évidence. Mon frère qui éprouvait une passion pour la musique, se retrouvait lancé dans des études d’architecture, car selon ma mère l’art n’était pas un métier sûr. Qui était-elle donc pour empêcher ses propres enfants de s’épanouir dans leur talent.

Elle nous construisait un futur, son futur, pas le nôtre.

Mon père m’appela pour aller dîner.
Le colis séjournait toujours au salon, j’avais oublié de leur en parler :

- Le facteur a déposé un colis à notre adresse, dis-je, je l’ai mis sur la table basse.

Ma mère se leva en disant qu’elle n’avait rien commandé, elle regarda l’adresse sur l’étiquette, et dit :

- Ils sont trompés de numéro, c’est aux voisins. Incompétents ! Nous ne sommes que deux maisons dans la rue !

Elle revint s’asseoir et continua :

- Nous irons le leur déposer demain, on ne va pas les déranger aux heures de repas.

En haut, je ne lus pas pour m’endormir. Je songeais bien trop au colis, j’espérais voir Sarah ou sa mère. En fermant les yeux, je revoyais l’arc à flèche.
Le lendemain, ma mère se rendit à sa première journée de travail, la raison de notre déménagement.
Moi, je passai presque toute la journée au salon, là où je pouvais observer la maison d’à côté. Et toutes les semaines qui suivirent furent identiques. Chaque matin je m’installais derrière la fenêtre et espérais entrevoir une jeune femme à travers la pluie battante.
Enfin, ma patience porta à sa fin. Un homme sortit de chez lui et prit le colis qui croupissait sur le seuil de sa bicoque depuis si longtemps que les intempéries devaient être venues à bout des lettres de Sarah. Aucune femme ne se montra, ni la fille ni la mère.
La rentrée approchait à grands pas et moi j’avançais sans aucun but. Cette ville maussade me rongeait. Les jours étaient tristes et mélancoliques, les heures lentes et monotones.
L’espoir d’apercevoir Sarah ou sa mère s’éteignit. Je devais passer à autre chose et me préparer au nouveau lycée dans lequel je rentrerais le lendemain, après cet été platonique.

 

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